samedi 22 décembre 2012

Bon petit soldat


Je pourrais résumer le thème de ce  livre ainsi: " Comment exister lorsqu'il faut vivre caché ?" Vision intéressante et unique de la fille d'un ancien président de la République, un statut particulier, une souffrance inimaginable. J'ai choisi cet extrait qui reflète l'esprit du livre.

Page 194 intitulé:  " Aube"
" Sauver l'enfant de là-bas. L'enfant étouffé par l'amnésie et qui continue de se défendre dans votre corps d'adulte. Sauver l'enfant du silence, qui se fit toujours plus petit, se rendant même invisible. Dans les restaurants où elle se trouvait avec son père, scrutant avant d'entrer si une connaissance passait par là, parce que, si elle était reconnue, le cauchemar deviendrait réel. Quel cauchemar?Qu'aurait-il pu arriver ? Que l'on sache ? Et puis ? Jamais son imagination n'alla plus loin.
Elle s'en tenait à la catastrophe, à l'imminence de la catastrophe. Elle s'en tenait à l'imminence. Alors elle préférait restée planquée, dans les pièces de son appartement- enfin pas le sien, l'appartement qu'on leur avait prêté. Pas de danger ici. On pouvait se voir, se toucher, s'appeler "papa maman chéris" sans oreilles indiscrètes, en toute liberté. Au dehors, il fallait se cacher. Et quand son père la conviait à marcher sans les rues de Paris, elle appelait à la rescousse les mille stratégies pour se cacher en se montrant. Par le regard, elle s'éloignait des autres. Il suffisait de les regarder pour qu'ils ne la voient pas. Les voir les transformait en pierre. La toute puissance du regard qui rend le regard lui-même invisible. Et puis elle alla plus loin. Si voir signifiait ne pas être vue il restait encore trop de risques, trop de failles dans le mécanisme magique. Alors elle cessa de regarder. Ne pas voir pour ne pas être vue. Le monde se fermait à elle. Le principal était de demeurer cachée. Pour demeurer cacher, elle se cacha du monde. Portes verrouillées, rideaux tirés. Dans la pénombre elle pouvait enfin évoluer sans frein, sans honte.
Mais se déplacer dans l'obscurité est à la longue fatiguant, alors elle s'en tint finalement à rester assises.
Et à attendre....."

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